Judo. Après l'échec des Jeux d'Athènes et trois années de doute,
l'idole du Japon a retrouvé le goût de la victoire.
Kosei Inoue ressuscite sur les tatamis de Bercy
Par Benoit BAUME
QUOTIDIEN : lundi 12 février 2007
Inoue. Kosei Inoue. L'un des plus grands champions que le judo
japonais ait jamais engendré. Un monstre de souplesse, de puissance
et de technique. Une esthétique, pure, qui fait se lever les foules
et applaudir les connaisseurs. Un combattant triple champion du monde
(1999, 2001 et 2003), champion olympique (2000) en 100 kg, qui vient
de renaître ce dimanche lors du tournoi de Paris chez les lourds, +
100 kg, en s'imposant de manière magistrale.
Honneur. Août 2004, Athènes, Kosei Inoue est choisi pour représenter
la délégation japonaise lors des Jeux olympiques. Un signe de
reconnaissance éternelle dans un pays où l'honneur conserve son
souffle, n'est pas une affaire abandonnée aux anciens combattants.
Sans rival à sa hauteur, le pensionnaire de l'université de Tokai
devait remporter sans souci son deuxième titre olympique. En baisse
de forme, il s'incline par deux fois dans le dojo grec et ne termine
que cinquième. «La plus grande honte de toute ma vie», de son propre
aveu. Une journée noire qui va engendrer trois ans de questionnements
et de disette pour Kosei Inoue, avant sa résurrection, hier.
Il se blesse gravement à deux reprises (épaule et pectoral) et subit
de plein fouet la mort de son frère aîné, qui le plongera dans le
doute. «Je n'oublierai jamais Athènes 2004 et la période qui a suivi.
J'ai connu l'enfer, en tant que judoka et en tant qu'homme. Je suis
tombé très bas, mais aujourd'hui, je me sens plus fort grâce à cela,
j'ai vécu l'enfer.» Autrement dit il a fait une grosse dépression.
Phoenix. Les médias japonais avaient fait le déplacement en masse ce
week-end pour ne pas louper la première compétition internationale en
lourd de cette idole nationale. Les télés diffusaient en direct et ne
l'ont pas lâché. Le retour de leur phénix est un événement.
Pendant la journée d'hier, les combats s'enchaînent sans difficulté
pour celui qui ne fait que 1, 84 m pour 120 kg. Un petit taureau
agile face à des montagnes qui culminent souvent à plus de deux
mètres. Seul le champion du monde en titre, Alexander Mikhaylin, bien
qu'il ait perdu, n'a pas subi la loi du terrible uchi mata, un
mouvement qu'Inoue exécute à la perfection. Ce passage en plus 100 kg
est un acte fort pour celui qui est, depuis toujours, l'élève du
célébrissime Yasuhiro Yamashita, considéré comme le plus grand judoka
de tous les temps chez les lourds grâce à son invincibilité de 1979 à
1984. Présent à Paris, il a longuement félicité son protégé, après sa
victoire en finale. «Inoue a montré à tous ses adversaires qu'il
était de retour et sûrement plus fort que jamais. Il doit désormais
s'imposer lors des championnats du Japon en avril prochain, sûrement
son plus gros challenge», analyse le maître. Avec pour objectif les
Jeux olympiques de Pékin en 2008, Inoue attend cet événement pour
gommer les mauvais souvenirs. Comme un destin en marche que rien ne
pourrait bouleverser, Kosei Inoue a écrit une nouvelle ligne à son
palmarès exceptionnel.
Subtile. Dans le même temps, le jeune Teddy Riner, 17 ans, prenait
une superbe troisième place dans la même catégorie, grâce à un judo
subtil et aérien, mais sans affronter Inoue. «Je regrette de ne pas
avoir combattu contre lui. Il a fait des combats impressionnants et
j'espère l'affronter au plus vite», explique la nouvelle idole du
judo français. Une finale à Pékin entre Inoue et Riner serait ce
qu'on pourrait rêver de mieux. La légende blessée contre la jeunesse
insoumise. Le rendez-vous est pris.
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