Le bouche-à-oreille a bien fonctionné. Aucune publicité, pas d'annonce dans la presse. Pourtant, ils étaient 25 combattants sur le tatami du dojo régional dont les tribunes se sont abondamment garnies au fil de la journée. Pour assister à l'une des toutes premières compétitions de sambo organisées dans l'île, dimanche [27/04].
Petit flash-back. Nous sommes dans l'entre-deux-guerres, sur la presqu'île de Sakhaline dans l'ex-URSS. Cherchant un dérivatif pour tuer l'ennui qui les enveloppe dans cette région déshéritée de la Sibérie, les gradés militaires mettent sur pied des combats d'un genre nouveau, à la frontière de la lutte, du judo, de la boxe pied-poings. Le sambo est né.
Il débarque dans les années 1970 en France. D'abord sous l'égide de la lutte. Puis en fédération autonome. Le décollage est immédiat, les pratiquants se recrutent dans tous les milieux, et pas seulement dans les disciplines qui peuvent lui emprunter quelques règles.
Depuis un an, le sambo est de nouveau attaché à la lutte. La commission régionale de sambo, affiliée au comité régional de lutte, compte une centaine de licenciés, répartis dans cinq clubs (Saint-André, Saint-Paul, Tampon, le Run Kyokushin Honbu et le Sakhaline à Saint-Denis) et une section universitaire au Moufia où des cours sont dispensés.
Il revêt trois formes, satisfaisant aux désirs de compétition ou non : la forme sportive, qui s'assimile à du judo avec des clés de jambes en plus; la forme combat, qui ressemble plus à une boxe pieds-poings avec les coups de coude, les coups de genou, les immobilisations et clés de sol en plus; et enfin la défense personnelle qui se rapproche de la self-defense.
Le sambo dans sa forme combat est un sport spectaculaire. Les combattants sont équipés et harnachés de haut en bas : casque, gants, protège-dents, protège-tibias et coquille dans cet aspect le plus violent. De plus, la règlementation en matière de coups portés est très stricte (la France se distingue des règles internationales par l'interdiction des frappes au sol).
Les assauts qui ont été donnés dimanche à Champ-Fleuri ont ravi les spectateurs amateurs de sensations fortes et conforté les techniciens dans la voie qu'ils se sont tracée : développer un sport certes violent, mais strictement codifié, et apte à véhiculer certaines valeurs : "Nous avons des pratiquants venant de tous horizons", note Nicolas Gigant, responsable du club Sakhaline de Saint-Denis. "Pas spécialement des bagarreurs comme on pourrait le penser. Mais des gars qui aiment le combat règlementé. Nous avons affaire à des gens organisés".
Même analyse de Jean-Dominique Payet, responsable de l'arbitrage : "Le sambo est un sport qui allie les pratiques de préhension, comme le judo, le grappling et un sport pieds-poings avec, en plus, le travail au sol. Il fait la synthèse des deux pratiques. Nous ne sommes pas les seuls à le faire, d'autres ligues ou comités le font également." Ne croyez pas non plus que le sambo est un réceptacle des déçus d'autres disciplines où les combattants n'y trouvent plus leur compte : "Non, ça arrive peut-être. Mais la majorité vient pour découvrir quelque chose. Certains pratiquent ailleurs et font du sambo en plus." argumente Nicolas Gigant.
Les objectifs de cette toute jeune commission sont bien clairs : "Pouvoir organiser un championnat de la Réunion", continue Nicolas Gigant, "et essayer d'emmener des jeunes en métropole." Le développement de la discipline devant se faire dans un cadre bien précis : "Avec des enseignants diplômés, qui possèdent un diplôme d'instructeur fédéral, fruit du travail qu'on a mis en place depuis deux ans." Le sambo, c'est du sérieux ...
Le Quotidien du 30/04/08