Doublés, triplé et quadruplé le même jour (suite)
Une lignée de combattants d’exception voit le jour grâce à Kapros d'Elis, "Deuxième après Herakles". Tous les compétiteurs ci-dessous réussissent le doublé lutte et pancrace le même jour aux Jeux Olympiques, à l’image du mythologique Héraklès de Thèbes (supposé l’avoir réalisé à l’époque Mycénienne vers 1200 avant J.-C.) et surtout de l’historique Kapros d’Elis, double vainqueur attesté en 212 avant J.-C. :
- Aristomenes de Rhodes en 156 avant J.-C.
- Protophanes de Magnesia de Maiandros en 92 avant J.-C.
- Straton d’Alexandrie en 68 avant J.-C.
- Marion d’Alexandrie en 52 avant J.-C.
- Aristeas de Stratonika en l’an 13 de notre ère
- et Nikostratos d’Aigai de Cilicia en l’an 37.
Parmi cette demi-douzaine de combattants polyvalents, il faut en signaler un qui se distingua par sa précocité et un exploit supplémentaire. Plusieurs années avant son doublé olympique de 68 avant J.-C., alors que Straton d’Alexandrie n’était encore qu’un « enfant » (comprendre : de la catégorie d’âge « paides », généralement 15-17 ans pour les épreuves lourdes et/ou martiales), il participa aux Jeux Néméens (probablement vers 76 ou 74 avant J.-C.) et s’engagea dans les épreuves de lutte et pancrace, qu’il gagna toutes les deux. Mais cet exploit ne lui suffisait pas puisque les doublés et même un triplé avaient déjà été réalisés précédemment. alors, le même jour, il monta de catégorie et alla défier les « imberbes » (18-20 ans) en lutte et en pancrace, et il s’imposa à nouveau dans ces deux concours ; si bien qu’il remporta quatre couronnes en sports de combat le même jour !
Après la double victoire de Nikostratos d’Aigai aux Jeux Olympiques de 37, les hellanodices décidèrent d’interdire aux futurs athlètes de tenter un pareil défi. Etait-ce trop dangereux pour l’intégrité physique des concurrents ? Ou voulaient-ils conserver le caractère quasi-divin d’un tel exploit, évitant ainsi qu’il soit galvaudé par un trop grand nombre de vainqueurs polyvalents ? Quoiqu’il en soit, les plus grands champions s’illustrèrent autrement.
Pour la première fois depuis 500 ans (depuis Euthymos de Locres), un nouveau champion iconique surgit en pugilat : Demokrates de Magnesia de Maiandros avec trois victoires olympiques en 25, 29 et 33 après JC. Il faudra attendre Teofilo Stevenson, de Cuba, pour voir un nouveau boxeur poids lourd s’imposer trois fois (en 1972, 1976 et 1980).
Pour la première fois en 400 ans (depuis Chairon de Pellene), un nouveau champion iconique s’imposa trois fois en lutte à Olympie : Tiberius Claudius Patrobius d’Antiocheia de Syrie ; vainqueur en 49, 53 et 57. Il faudra attendre Carl Westergren, de Suède, pour voir un autre lutteur s’imposer trois fois aux Jeux Olympiques en lutte gréco-romaine, successivement dans les catégories de poids (et non plus d’âge) : « moyens », « lourds-légers » et « lourds » en 1920, 1924 et 1932.
Toutefois, à l’époque romaine, ce n’étaient plus la lutte ou le pugilat qui avaient les faveurs du public mais bien le pancrace, ou mieux encore : la combinaison lutte/pancrace. Et c’est donc dans ces disciplines que les derniers grands combattants de l’Antiquité s’exprimèrent.
Titus Flavius Archibius d’Alexandrie connut une telle carrière en pancrace, que seule celle de Dorieus de Rhodes peut être considérée comme supérieure. Il s’imposa dans tous les grands Jeux du circuit international commençant notamment par accumuler des titres majeurs à Rome, quatre fois dans l’Agon Capitolin (en 94, 98, 102 et 106). Il obtint également deux titres à Olympie (en 101 et 105). Puis, le doublé lutte/pancrace ayant été proscrit à Olympie, c’est aux Jeux Pythiques qu’il s’illustra définitivement. Il conquit quatre titres aux Jeux Pythiques : trois en pancrace et un en lutte !
Pour boucler ce récit, Aurélius Helix (ou Aelix) de Phoenicia se présenta aux Jeux Olympiques de 213 où il s’imposa en lutte chez les adultes alors qu’il n’était encore qu’un juvénile (18-20 ans) – à l’instar de Teddy Riner, champion du monde de judo en seniors alors qu’il n’était qu’un junior surclassé-. Quatre années plus tard, Aurélius Helix voulut tenter le doublé lutte/pancrace à Olympie mais les juges le privèrent de cette gloire puisqu’il dût se contenter d’un seul concours et d’une victoire en pancrace. Qu’à cela ne tienne, l’année suivante, il vint à Rome et là, lors de l’Agon Capitolin de 218, il fut le premier et le seul à conquérir les deux couronnes dans la capitale de l’Empire Romain : en lutte et en pancrace le même jour !